Enquête 'Conditions de vie et Aspirations des Français' Début 2003 : la désillusion gagne l'opinion, tandis que monte la peur de la guerre

G. Hatchuel

Sourcing Crédoc N°Sou2003-1516

Résumé

Réalisée chaque année depuis 1978, l’enquête « Conditions de vie et Aspirations des Français » permet d’analyser, dans la durée, les principaux mouvements de fond traversant la société française. Instrument multithématique, s’appuyant sur le suivi de quelques attitudes révélatrices des grandes inflexions du corps social, l’enquête offre également une série de coups de projecteur sur les tendances conjoncturelles qui affectent, chaque semestre, les opinions des différents groupes sociaux. Les premiers résultats de la vingt-cinquième vague d’enquêtes (janvier 2003) apportent à cet égard de très précieuses indications sur l’état d’esprit actuel de la population : dix mois après les élections présidentielles et législatives, les inquiétudes n’ont pas vraiment reculé ; les pronostics en matière de chômage continuent à se détériorer et le moral s’effrite. En un mot, on sent poindre ce qu’on appellera une certaine désillusion...

Certes, ce désenchantement - il faut le dire d’emblée - ne paraît pas, pour l’heure, s’accompagner d’une exacerbation des revendications ou d’une démoralisation telles qu’elles laisseraient craindre le retour prochain d’une crise collective du type de celle qui avait marqué les années 90.

Mais alors même que les préoccupations sécuritaires, précisément celles qui attisaient fortement le mécontentement sociétal au début 2002, ont enfin commencé à reculer, la crainte de la guerre est venue prendre le relais et ruiner les quelques espoirs éventuels de redémarrage. Autrement dit, le « sursaut » qu’on aurait pu attendre du changement politique ne semble pas, en dix mois, avoir contrecarré le mouvement déjà engagé l’an dernier : c’est bien la parenthèse faste des années 1999-2001 qui, comme une lourde porte, se referme, lentement mais sûrement.

Car, si certaines inquiétudes s’atténuent, d’autres se redéploient et les peurs sont finalement toujours plus présentes, toujours plus prégnantes d’année en année. La remontée durable du chômage, quant à elle, s’impose presque comme une évidence à une bonne partie d’une opinion désappointée, qui juge en même temps que le niveau de vie, individuel ou collectif, se dégrade ; enfin, les interrogations formulées sur les effets déresponsabilisants de la protection sociale ne reculent guère. Finalement, la « désillusion douce » de ce début 2003 tient peut-être en une seule phrase : en un an, la plupart des courbes mesurant le moral des ménages ne se sont aucunement redressées ; elles ont même continué - presque sans fracas - à s’infléchir.

Au total, analysés par comparaison avec les résultats de janvier 2002, cinq éléments principaux se dégagent :

* Les inquiétudes continuent à s’accroître et atteignent un nouveau palier, cette fois sous l’effet de la peur de la guerre.

* De plus en plus de Français croient, comme une quasi-évidence, à une remontée durable du chômage.

* La demande de changements « progressifs » de la société s’élève, faisant reculer le radicalisme exacerbé de l’an dernier.

* Les jugements sur le niveau de vie collectif, comme sur les situations individuelles, poursuivent leur dégradation, mais pas uniformément : une certaine fragmentation sociale apparaît.

* L’opinion n’a pas levé ses craintes sur les effets déresponsabilisants des politiques sociales.


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