Pauvreté - Précarité Quelques expériences locales de revenu minimum social garanti

G. Hatchuel

Collection des rapports N°R27

Résumé

L'évaluation comparative proposée ici, de quelques expériences locales de revenu minimum social garanti, n'avait pas de prétention à l'exhaustivité. Notre observation n'a en effet été réalisée qu'auprès d'une seule des parties prenantes, les administrations prestataires. Précisons que le plus souvent, le revenu minimum est servi et financé par les Centres Communaux d'Action Sociale (CCAS). Cette analyse, menée du seul côté de "l'offre", sans interview des bénéficiaires, ne pouvait ainsi permettre -ce n'était pas le but de l'étude- d'aborder quelques-unes des questions importantes liées à l'existence d'un revenu minimum garanti : une telle prestation exerce-t-elle une action de désincitation au travail des bénéficiaires ou des membres de leur famille ? Quels changements éventuels exerce-t-elle dans la composition même des ménages (problèmes de décohabitation) ? Quelles variations peut—elle introduire dans le montant, la composition et l'utilisation des ressources des allocataires ?

D'autre part, la rareté des données statistiques détaillées sur les bénéficiaires des revenus minima locaux, sur les durées de perception par type et catégorie de ménages, sur les "taux de renouvellement" ou sur le devenir des prestataires, comme les concurrences institutionnelles locales, souvent exacerbées par les enjeux financiers sous-jacents à la distribution de l'allocation, n'ont pas toujours permis d'obtenir réponse à toutes les interrogations relatives à l'instauration d'une telle prestation. En particulier, très rares sont les informations disponibles sur les "rejets", ou plus largement sur tous ceux qui, directement ou indirectement, sont exclus de la prestation ou n'y ont pas accès. L'appréciation de l'efficacité réelle de la mesure en est évidemment rendue très difficile. La tendance est forte alors, devant ces exclusions dont on mesure mal l'importance, de mettre davantage en avant les défauts du système, que ses avantages, en particulier l'apport important que peut représenter le revenu minimum pour des familles et personnes isolées, vivant d'expédients, dont les ressources sont quasiment nulles. De fait, notre étude, de par l'approche retenue, ne pouvait que favoriser la mise en évidence de ces défauts. La notion même de revenu minimum social garanti qui ne suppose, dans son acception la plus courante, aucune exclusive autre que celle liée au niveau de ressources du demandeur, incite d'ailleurs à elle seule à mettre plutôt l'accent sur tout ce qui s'oppose à cette approche extensive dans la mise en application de la prestation.

Enfin, l'analyse s'est limitée à l'étude du seul revenu minimum alors que souvent cette allocation ne constitue localement qu'un des aspects de la politique sociale menée (équipements collectifs, aides en nature, autres types de secours financiers).

Il reste que cette étude exploratoire apporte un certain nombre d'informations, qui devraient inciter à prolonger et multiplier les observations locales sur un thème qui est appelé à occuper une place centrale dans les réflexions sur le système de protection sociale et ses dysfonctionnements.

C'est en effet en réponse au constat des carences de la protection sociale légale et aux "défauts" qui lui sont attribués, que sont souvent définies les prestations extra-légales de revenu minimum local. La complexité de plus en plus grande d'un système de protection fondé sur une spécialisation croissante, sur des catégorisations peu adaptées à l'évolution économique et socio-démographique explique en partie ce constat. De fait, à l'analyse de la diversité des niveaux de ressources garanties par la protection sociale légale et de leurs conditions sélectives d'attribution, correspond de plus en plus souvent l'idée de mettre en place "un filet de sécurité" moins lâche, visant une certaine universalité ou un élargissement de la protection de certains groupes de la population dont il apparaît qu'ils ont le moins de possibilités de bénéficier d'aides légales ou extra-légales existantes.

L'analyse n'a pu être également détaillée dans chacune des quatre communes (Besançon, Nantes, Nîmes, Clichy) et dans les deux départements (Ille-et- Vilaine, Territoire de Belfort) étudiés, mais deux conclusions principales s'en dégagent, liées entre elles :

- l'extrême diversité des conditions générales d'attribution de la prestation et de leur mise en œuvre

- le « décalage » ou les contradictions entre le concept de revenu minimum garanti auquel sont associées les trois notions d'universalité, de durée illimitée et d'assimilation à un droit (garantie pour chacun d'un minimum de ressources, permanente et automatique), et ce que les pratiques et les contraintes, notamment financières, font de la prestation créée.


Contact

142, rue du Chevaleret 75013 Paris
01 40 77 85 10
ligne 6 station Chevaleret
ligne 14 station Bibliothèque
RER C station Bibliothèque
Bus 27 arrêt Nationale