Résumé
Le Forum Vies Mobiles et le CRÉDOC présentent une enquête inédite qui révèle une fracture méconnue mais massive dans notre système de mobilité. La voiture est souvent perçue comme un symbole de liberté individuelle et d'autonomie. Pourtant, derrière cette image largement partagée, se cache une réalité bien différente : elle est source d’exclusion pour des millions de personnes pour qui la conduite est inaccessible, difficile ou source d’angoisse. Avec cette enquête, le Forum Vies Mobiles et le CREDOC lèvent le voile sur ce phénomène majeur : celui des « éconduits » de la voiture.
La voiture, une liberté de façade : un tiers des Français, tous âges confondus, exclus de la conduite Contrairement à l’idée reçue d’un accès universel à la conduite, 33 % des Français sont structurellement empêchés de prendre le volant. Parmi eux : • 20 % ont moins de 17 ans et ne peuvent donc pas avoir le permis de conduire ; • 9 % des plus de 17 ans ne l’ont jamais obtenu ou détiennent un permis non reconnu en France ; • 4 % au moins souffrent d’une incapacité permanente. Ce nombre ne peut qu’augmenter avec le vieillissement de la population et le durcissement de la réglementation qui devrait amener à repasser le permis de conduire après un certain âge.
Conduire quand on a le permis ? Un luxe pas toujours accessible. Avoir le permis ne garantit pas pour autant la liberté de conduire. Bien au contraire : seuls 18% des détenteurs du permis de conduire déclarent ne jamais être empêchés de conduire. • 44% renoncent toujours ou presque (23%) ou souvent (21%) à conduire dans au moins une des 25 situations testées dans l’étude. Cela représente plus de 20 millions de Français ; • 38% y renoncent occasionnellement (moins d’une fois par mois) ; • Au total, 82% des Français détenteurs du permis de conduire renoncent ainsi au moins occasionnellement à la conduite.
Pourquoi renonce-t-on à conduire ? Des conditions de conduite hostiles : nuit, trafic urbain, zones rurales et montagne… • Conduire de nuit : un casse-tête pour près d’un conducteur sur deux (43%) qui sont au moins occasionnellement gênés par les conditions nocturnes. C’est probablement la situation la plus handicapante dans la mesure où la gêne peut être quotidienne et que la nuit peut représenter une partie importante de la journée en hiver. On constate même que 7% ne conduisent jamais la nuit. Cela représente plus de 3 millions de Français. • Trafic urbain et stationnement : un environnement redouté par au moins 1 conducteur sur 10. En effet, 10% renoncent toujours ou souvent à prendre le volant pour éviter le trafic et les manœuvres à réaliser, et 11% par peur de ne pas pouvoir se garer. • Conduite en zone rurale ou montagneuse : ces zones sont considérées comme à éviter par 10% des conducteurs (routes étroites, virages ou obscurité). Des freins matériels pénalisants : coût de l’essence, panne de voiture, défaut d’assurance, permis suspendu… Les coûts de déplacement en voiture (essence et péages) constituent le premier motif de renoncement matériel : • 13% y renoncent au moins une fois par mois et 22% au moins une fois par an. • La panne de véhicule concerne 25% des conducteurs sur l’année. Les problèmes administratifs peuvent également empêcher les conducteurs de prendre le volant. • Ainsi, au cours des 12 derniers mois, 15% d’entre eux ont renoncé à un déplacement à cause d’un contrôle technique non à jour, 10% à cause d’un défaut d’assurance et 9% pour un permis suspendu ou expiré.
Âge et genre : des inégalités flagrantes Les femmes et les jeunes sont les plus touchés par les renoncements liés à la sécurité, au confort ou à la précarité. Les femmes renoncent davantage à la conduite que les hommes : • 21% des hommes ne renoncent jamais à la conduite, contre seulement 15% des femmes. • C’est particulièrement vrai pour la conduite de nuit : 50% des femmes renoncent au moins occasionnellement contre 36% des hommes. En revanche, les hommes renoncent davantage pour des raisons matérielles : • Pour des problèmes d’assurance de leur véhicule, les hommes sont 13% à renoncer à conduire occasionnellement, tandis que les femmes ne sont que 6%. • Les hommes sont trois fois plus nombreux à renoncer occasionnellement à conduire à cause d’une suspension de permis (12% contre 4%). Les jeunes en âge de conduire : la double peine • Les jeunes (18-24 ans) renoncent davantage à conduire : presque tous (97%) renoncent au moins occasionnellement (34% toujours ou presque, 38% souvent), contre 82% en moyenne (23% toujours ou presque, 21% souvent). • Moins expérimentés, ils renoncent plus souvent à conduire face aux nombreuses situations de conduite complexes (en ville, 60% contre 42% en moyenne, à la campagne ou à la montagne, 46% contre 26% en moyenne…). • Plus vulnérables économiquement, ils sont également plus exposés aux coûts de déplacement que leurs aînés : ils sont 52% à renoncer à conduire pour cette raison, contre 35% en moyenne.