Analyse coûts-bénéfices des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024

Hélène Blake, Marianne Bléhaut, Claire Martin

Ouvrages N°Sou2025-5050

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Résumé

Principes d’une analyse coûts-bénéfices

Les Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 (JOP) représentent le plus grand événement sportif organisé en France après la coupe du monde de football de 1998. En tant que Mega-event, ils ont mobilisé un grand nombre d’acteurs et ont eu des effets multiples, parfois en dehors du champ strict de l'économie. La présente étude propose une analyse coûts-bénéfices (ACB) pour capter au mieux l’ensemble de ces effets. L’ACB est en effet d’une démarche visant à déterminer l’ensemble des gains ou pertes engendrées par un investissement ou un événement. Elle ne se limite pas aux effets purement économiques, et intègre également les dimensions sociales et environnementales en leur attribuant une valeur monétaire.

La présente analyse couvre le territoire national, pour toutes les catégories d’acteurs concernées : l’Etat et les collectivités locales, les investisseurs publics ou privés, les spectateurs et téléspectateurs résidant sur le territoire national, les entreprises, etc.

Les coûts et bénéfices étudiés sont appréciés au regard d’une situation fictive appelée contrefactuel, dans laquelle la France n’aurait pas été hôte des JOP. Nous étudions deux contrefactuels : la comparaison avec une année en France sans JOP (généralement appréciée grâce aux données de l’année 2023), et la comparaison avec une situation dans laquelle les JOP auraient eu lieu dans un autre pays (généralement appréciée grâce aux données des précédentes éditions des JOP).

L’ensemble des effets évalués se résument dans la valeur actualisée nette socio-économique. Les résultats sont présentés dans le tableau ci-dessous et sont détaillés plus loin.

Bilan des investissements publics et privés en matière de construction et d’organisation

Un grand nombre d'acteurs, aussi bien publics que privés ont participé activement à la mise en place des JOP de Paris 2024. Les financements publics ont été majeurs, s’élevant à 6,63 Mds€, selon la Cour des Comptes (Cour des Comptes, 2025). Ces dépenses publiques couvrent des frais de construction et d’organisation, notamment par la mobilisation exceptionnelle des services des pouvoirs publics pour les transports, la sécurité… Elles ont très partiellement été compensées par des recettes supplémentaire. Des investisseurs privés ont également amplement participé à l’évènements (promoteurs immobiliers pour le village olympique, partenariats du COJOP, exploitants de licences…).

Un impact limité des JOP sur le secteur touristique en 2024

L’un des effets les plus discutés – et attendus – des JOP sur l’économie française concerne le secteur du tourisme. De fait, si la période des Jeux s’est traduite par une plus grande fréquentation touristique dans l’année précédente pendant les semaines des épreuves olympiques, ce n’est toutefois pas le cas en dehors de cette période. En définitive, sur l’année 2024, la fréquentation hôtelière est donc inférieure à celle de l’année 2023 pour l’Île de France. Cette baisse de la fréquentation n’a pas été compensée dans le secteur hôtelier par la hausse des prix constatée et les acteurs de ce secteur ont donc légèrement perdu à l’organisation de l’évènement.

Les locations entre particuliers ont pu jouer un rôle d’ajustement. Par rapport à l’année 2023, le nombre de locations a augmenté, leur durée moyenne s’est allongée, et les prix pratiqués ont crû. Il en résulte une hausse du profit des propriétaires des locations touristiques.

Les éventuels effets de long terme des JOP sur la fréquentation touristique sont encore incertains et ne peuvent donc pas être pris en compte dans cette étude. Les données des premiers mois de 2025 montrent une évolution de l’occupation hôtelière légèrement moins favorable en Ile-de-France que dans les autres régions. Toutefois, de nombreux autres facteurs que les JOP peuvent influencer l’évolution de la fréquentation touristique (situation internationale, taux de change…).

Un effet positif sur le marché du travail

L’organisation des JOP, qui avait notamment pour objectif de favoriser l’activité locale, a nécessité des emplois. La Solidéo et le COJOP ont notamment engagé des programmes spécifiques pour employer des personnes éloignées de l’emploi.

Par ailleurs, des salariés mobilisés pour l’événement, principalement ceux des secteurs publics (sécurité, transport, santé etc.), ont perçu des primes et ont effectué des heures supplémentaires, accroissant directement leurs revenus.

Y avoir été : la satisfaction des spectateurs et téléspectateurs, un bénéfice majeur des JOP

Les JOP ont constitué un événement planétaire, suivi par cinq milliards de personnes dans le monde. Le périmètre de la présente ACB étant national, seule la satisfaction ressentie par les spectateurs et téléspectateurs résidant en France y est valorisée. Leur « surplus » est estimé comme le montant additionnel qu’ils auraient été prêts à payer pour assister aux épreuves au-delà de leurs dépenses effectives. Une large majorité des spectateurs auraient été prêts à payer plus que ce qu’ils ont effectivement dépensé (78 % des spectateurs des épreuves olympiques et 84 % des spectateurs des épreuves paralympiques). En moyenne, ils auraient été prêts à payer 30 % de plus que le prix des billets effectivement payé.

A ces bénéfices, il convient d’ajouter ceux des nombreux téléspectateurs qui ont profité des retransmissions en direct gratuites (sur les chaînes publiques), en télévision payantes ou sur d’autres supports audiovisuels. Une faible part des téléspectateurs déclarent qu’ils auraient été prêts à souscrire à un abonnement payant si les chaînes publiques n’avaient pas proposé de retransmission (30 %). Cette situation traduit vraisemblablement le fort attachement des Français aux retransmissions gratuites d’un tel événement, assurées en France par le service public.

Sport et santé publique, un héritage positif des JOP

L’amélioration de l’activité physique et sportive des Français était un des objectifs poursuivis à travers l’organisation des JOP 2024. Il apparaît en effet que le nombre de licenciés sportifs a augmenté de 6,4 % entre 2023 et 2025, contre 1,7 % s’il avait suivi la tendance antérieure à la pandémie de Covid-19 et 2,7 % lors des olympiades passées. Cet écart est supposé imputable aux JOP de Paris 2024. La valorisation monétaire de l’accroissement de la pratique sportive tient compte à la fois des bénéfices de santé, et de certaines conséquences potentiellement négatives de cette pratique (accidentologie notamment). L’estimation de cet effet d’héritage sportif devra être affinée à l’avenir compte tenu de l’évolution de la pratique sportive qui sera effectivement observée.

L’héritage des infrastructures, un effet potentiellement fort qui ne peut être estimé précisément

Une grande partie du coût des JOP découle de la phase de préparation des JOP, en lien avec la construction ou la rénovation d’infrastructures. La plupart d’entre elles pourront avoir des retombées de moyen et long terme pour les populations locales et les autres utilisateurs de ces infrastructures. A ce stade, toute quantification de ces effets d’héritage repose sur un jeu d’hypothèses plutôt que sur une mesure effective. Nous proposons un tel jeu d’hypothèse reposant sur un retour sur investissement au moins partiel et dont l’ampleur dépend de la nature de l’infrastructure. Cette démarche fait suite à une recommandation émise par le conseil scientifique du projet. En toute rigueur, les effets d’héritage des infrastructures devront faire l’objet d’analyses approfondies par la suite pour en confirmer les ordres de grandeur.

Un coût lié au carbone, malgré la réduction des émissions par rapport aux précédentes éditions des JOP

La candidature de Paris pour les JOP de 2024 insistait particulièrement sur la durabilité et la sobriété de ces jeux, avec en particulier l’objectif de diminuer de moitié les émissions de gaz à effet de serre par rapport aux éditions précédentes. Les estimations du Commissariat général au développement durable (CGDD) montrent que cet objectif a été atteint puisque les émissions totales des Jeux se sont élevées à 2 millions de tonnes équivalent CO2. Ainsi, par rapport à ces éditions précédentes, les JOP de Paris 2024 ont engendré un bénéfice climatique pour le monde. La présente analyse étant toutefois réalisée du point de vue de la collectivité nationale, elle ne retient qu’une partie de ce bénéfice. En effet, les émissions réalisées sur le sol national ont augmenté du fait de l’organisation des JOP. Or, ces dernières sont plus coûteuses pour la communauté française dans la mesure où elles impliquent des efforts supplémentaires pour remplir les objectifs climatiques nationaux. Finalement, malgré un bilan climatique plus léger que d’autres JOP passés, le bilan pour la France est négatif.

Effet global et discussion

En tenant compte de l’ensemble de ces coûts et bénéfices monétisés, le coût net pour la collectivité nationale s’établit à 5,5 milliards d’euros par rapport à une année sans JOP, et 5,8 milliards d’euros par rapport à une situation où les JOP auraient eu lieu ailleurs. Ce coût pourrait être réduit à l’avenir par les retombées d’héritage des JOP, pour s’établir à 2,5 par rapport à une situation sans JOP et 2,8 milliards d’euros par rapport à une situation où les JOP auraient eu lieu ailleurs.

Une partie des effets potentiels des JOP n’ayant pas pu être intégrés à l’analyse, ce bilan peut s’interpréter comme le coût payé par la société française pour ces impacts additionnels (satisfaction des bénévoles des jeux, effets sur le marché du logement ou les effets immatériels associés à l’image de la France…).

Les difficultés à comptabiliser les effets additionnels des JOP mettent ainsi en lumière des pistes d’amélioration pour des travaux futurs, à la fois pour affiner l’analyse présentée ici à l’avenir, et pour faciliter la mise en œuvre d’évaluations coûts-bénéfices de grands événements à venir



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