Articulation et interdépendance des consommations médicales

A. Mizrahi - A. Mizrahi

Sourcing Crédoc N°Sou1978-2168

Résumé

L'objectif de la recherche présentée ici est de mettre en évidence l'interdépendance des différentes consommations médicales entre elles et de voir en particulier si certains soins se substituent à d'autres. En effet, des études antérieures ont montré que si le niveau des dépenses médicales varie peu entre les grands groupes sociaux, la composition de ces dépenses, elle, est très différente. Comment ce phénomène se traduit-il au niveau individuel ?

La très grande variabilité des dépenses médicales au niveau individuel et leur grande concentration [41 % des enquêtés n'ont eu aucune consommation et les 10 % de consommateurs les plus importants ont entrainé 70 % des dépenses) ont incité à utiliser une double approche pour réduire le poids des phénomènes aléatoires parasites :

- constitution de nouvelles unités statistiques formées de groupes d'individus présentant les mêmes caractères socio-démographiques, et d’effectifs comparables afin d'éliminer le problème des non-consommateurs.

- analyse des recours aux soins et des dépenses sur les seuls consommateurs de un ou plusieurs types de soins.

Une double structuration des consommations médicales se dégage3 d'une part autour du degré de mobilité du patient (très fortement lié à l’âge) et d'autre part autour de son entrée ou non dans le système de soins, un pôle étant constitué de l’hospitalisation publique et des soins de généralistes au domicile du malade, l’autre par des soins de spécialistes, de masseurs-kinésithérapeutes et la radiologie.

Par contre, aucun phénomène d’exclusion réciproque n'apparait, les consommations médicales sont dans l'ensemble liées positivement : les complémentarités entre différents types de soins l’emportent très largement sur les substitutions. Seuls, les soins dentaires et les produits pharmaceutiques non prescrits apparaissent indépendants des autres consommations médicales ; en dehors de ces deux cas, en quelque sorte à part, l’ensemble des soins forme bien un "système" dans lequel3 l’entrée par quelle que voie que ce soit augmente très sensiblement la possibilité d'accès à une autre partie du système.

La consommation de soins de médecins est ainsi cumulative :

- si un patient a vu un généraliste, il a une chance sur cinq de voir aussi un spécialiste et, en ce cas, la dépense de soins de généraliste sera supérieure de 36 %.

- si un patient a vu un spécialiste, il a plus d'une chance sur deux de voir aussi un généraliste et, en ce cas, la dépense de soins de spécialiste sera supérieure de 42 %.

Les patients ayant consulté simultanément un généraliste et un spécialiste ont une probabilité nettement plus forte de subir un examen radiologique [12,6 %] que ceux ayant fait exclusivement appel au généraliste [5,2 %], ou au spécialiste (5,9 %); de même pour les analyses de laboratoire (respectivement 27,7 %, 13,9 % et 12,5 %. Dans les deux cas, la dépense moyenne augmente avec la proportion de consommateurs. La consommation pharmaceutique prescrite est très liée aux séances de médecins, aussi bien en termes de recours que de dépenses ; on voit en particulier apparaitre le double rôle des spécialistes, soit médecins traitants, et prescrivant alors de manière équivalente aux généralistes, soit consultants associés à des généralistes prescripteurs. Le coefficient de corrélation entre le montant de la dépense pharmaceutique et celui des soins de généralistes (consommateurs seulement] est relativement élevé (0,42); avec les soins de spécialistes le coefficient est faible, quoique significativement différent de zéro. Les soins infirmiers sont davantage liés à ceux de généralistes, les soins de masseurs-kinésithérapeutes à ceux de spécialistes. Dans les deux cas, les montants des dépenses sont supérieurs lorsque les deux types de soins (médecins et auxiliaires] apparaissent.

Les consommateurs simultanés des deux types de médecins représentent 15,9 % des consommateurs de soins de généralistes et 48 % des consommateurs de soins de spécialistes. Au niveau de la prescription, on observe dans cette population soit un effet cumulatif, les prescriptions des deux types de médecins s'ajoutant, c’est le cas des produits pharmaceutiques et, dans une moindre mesure, des analyses, soit un effet alternatif. Si l’un ou l’autre type de médecin a prescrit cette consommation, l’autre ne la prescrira plus, c’est le cas des soins de masseurs-kinésithérapeutes et, moins nettement, des soins d’infirmières.

Les consommations prescrites (électroradiologie, analyses de laboratoire, soins d'auxiliaires, produits pharmaceutiques acquis sur ordonnance sont positivement liées entre elles aussi bien en termes de recours que de dépenses par consommateur.

Deux consommations enfin, (les soins dentaires et les produits pharmaceutiques acquis] sont autonomes par rapport à l'ensemble des soins (ils sont même liés négativement à l'hospitalisation].

Pour faire apparaitre les substitutions, le prolongement de ces travaux devrait réunir trois conditions : introduction de la morbidité et de l’environnement socio-économique, raffinement des nomenclatures de soins, allongement de la période d’observation. Les données du sondage dans les dossiers d'un échantillon permanent d’assurés sociaux (Panel], permettront peut-être de tels prolongements, initiant les recherches sur les circuits des malades.


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