Revue consommation / Analyse socio-économique et consommations alimentaires

P. d'Iribarne

Sourcing Crédoc N°Sou1977-3220

Résumé

Les comportements alimentaires des humains sont à première vue peu rationnels. On voit en particulier les habitants des pays industriels consentir des sacrifices financiers importants, qui sont absurdes aux yeux du nutritionniste sans pour autant paraître justifiés aux yeux du gastronome. Les conséquences de nos excès alimentaires (excès caloriques, abondance des sucres et des graisses) sur notre santé sont fort néfastes. Ainsi pendant la dernière guerre la mortalité provoquée par les défaillances du cœur et des vaisseaux s’est effondrée dans les pays victimes du rationnement pendant qu’elle restait stable dans les pays qui, tels la Suède, étaient épargnés. Notre appareil digestif est lui aussi mis à mal par notre alimentation. En matière de goût une approche objective est difficile, mais on constate que certaines cultures ont réalisé des plats qui, tout en étant peu coûteux, sont fort appréciés même par les membres des sociétés riches, tandis que la saveur des plats très coûteux paraît loin d’être forcément remarquable.

Il paraît donc nécessaire d’expliquer le comportement alimentaire des occidentaux et le haut niveau de dépenses auquel ce comportement correspond, par des facteurs autres que la recherche d’une nourriture de grande qualité nutritionnelle et gastronomique. Dans le cadre d'un ensemble de recherches portant sur la compréhension des comportements de consommation et sur les relations entre consommation et bien-être, on a tenté d’obtenir une telle explication, et plus généralement, de chercher une explication des comportements alimentaires que l’on observe. Pour y arriver, on a pris en compte non seulement les rôles « utilitaires » des consommations alimentaires, mais encore les rôles « extra utilitaires » de ces consommations et en particulier un ensemble de rôles (signe d’attention à autrui, de statut, etc.) qui font intervenir la consommation par la signification qui lui est attachée. Après avoir analysé la manière dont, à travers ces effets, les individus sont affectés par leur propre consommation, et également par celle des autres membres de la société, on a cherché à déterminer la résultante des comportements des divers acteurs, comportements qui se déterminent mutuellement dans le cadre des « grandes institutions » de la société. On s’est aidé pour cela d’un modèle formalisé représentant les interactions entre les divers acteurs.

On ne reprendra pas ici l’analyse des effets des consommations alimentaires pour laquelle on s’est appuyé pour l’essentiel sur la littérature existante. On notera simplement que si, dans le cas des effets « utilitaires », les caractéristiques de la consommation (quantité de calories absorbée, pourcentage de lipides, etc.) interviennent par leur niveau absolu, dans le cas des effets de signe, ces caractéristiques interviennent par leur niveau relatif; en effet, la signification sociale qui leur est attachée dépend de la manière dont la consommation de l’individu se situe par rapport à la consommation « normale » de la société et du groupe social auxquels il appartient. On s’attachera à l’analyse des comportements, sans reprendre les calculs du modèle formalisé.

Pour tenter de reconstituer les mécanismes qui régissent les consommations alimentaires, de manière à expliquer les observations faites à leur sujet, on considérera tout d’abord le cas théorique d’un groupe social culturellement indépendant et formé d’individus ayant tous le même niveau de revenu. Puis on s’intéressera aux consommations des individus appartenant à un groupe social indépendant culturellement, mais ayant un niveau de revenu différent du revenu moyen des membres de ce groupe. On s’intéressera enfin aux consommations des groupes sociaux culturellement dominés par d’autres groupes. Si on distingue ainsi les groupes indépendants culturellement et les groupes dominés, c’est parce que les rapports entre les modèles culturels et les comportements semblent très différents dans l’un et l’autre cas. Les groupes culturellement dominés dépendent de modèles culturels qu’ils n’ont pas produits, et dans leurs cas ces modèles constituent par rapport aux comportements des facteurs explicatifs exogènes. Au contraire, pour les groupes indépendants culturellement, les modèles culturels sont produits par le groupe lui-même.


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