1980 - 1990 - Argent, stress, individualisme, uniformisation

R. Rochefort

Consommation & Modes de Vie N°CMV54

Résumé

L'argent déculpabilisé
Voilà bien l'une des évolutions essentielles des années 80. Conséquence de l'adhésion aux valeurs de l'entreprise et à la reconnaissance des mérites de la réussite personnelle, les Français sont aujourd'hui beaucoup moins critiques sur l'échelle des rémunérations. Bien que le "capitalisme populaire "soit encore très éloigné de la réalité, l'évolution du taux de possession des valeurs mobilières est spectaculaire, surtout chez les jeunes adultes, que ne semble pas avoir découragés le krach d'octobre 1987.
Chacun pour soi
Avant d'être un système de valeurs, l'individualisme d'aujourd'hui est d'abord une façon d'organiser sa vie "autour de soi ", fût-ce avec d'autres. En voici deux exemples : contrairement au début des années 80, la limitation de l'usage de la voiture - objet-symbole d'identification s'il en est - apparaît aujourd'hui inacceptable au prix de l'irrationalité collective auquel la multiplication des difficultés de circulation en centre-ville aboutit. Si l'adhésion à des groupes et associations demeure importante, elle a bien changé de nature. Les syndicats continuent de voir leurs effectifs décroître, tandis que la pratique sportive en club (surtout pour les sports individuels) mobilise de plus en plus d'énergies.
Le prix de la crise
Au-delà de la montée du chômage et de ses conséquences immédiatement perceptibles, la "crise "a abouti à des remises en cause indirectes : perçus avec parfois quelque agressivité au début de la décennie comme des "protégés "face au chômage, les fonctionnaires et les salariés de l'Etat se sentent aujourd'hui les laissés-pour-compte du redémarrage économique des dernières années et les perdants d'une redistribution des cartes qui favorise aujourd'hui "ceux du privé ". Compétitivité, "stress ", nécessité de se dépasser, peur de perdre son emploi ou sentiment d'appartenir à des groupes sans perspective d'avenir ont un coût : l'insomnie, la nervosité, le mal au dos, la migraine, parfois qualifiés de "maux de société ", ont connu une très forte croissance qui semble toutefois marquer le pas depuis l'amélioration perceptible des conditions économiques au cours des quatre dernières années.
L'uniformisation s'accroit
L'opposition Paris-Province, traditionnellement l'une des plus marquées dans les modes de pensée, semble avoir vécu. Sur de nombreux sujets, les résidents de la capitale et de sa métropole sont aujourd'hui moins critiques, moins modernistes qu'ils ne l'étaient il y a dix ans, tandis que les habitants de province semblent rapidement les "rattraper ". Ce double mouvement, avec d'autres, contribue à façonner une France qui s'uniformise. Vecteur sans doute essentiel de cette évolution, la diffusion massive de la télévision que l'on cite ici afin de ne pas oublier que c'est au cours de la décennie 80 qu'elle parvient à occuper la place hégémonique qui est aujourd'hui la sienne : près de trois français sur quatre la regardent quotidiennement, contre seulement un sur deux il y a dix ans.


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