Des ressources aux compétences : propositions d'analyse des attitudes et comportements des jeunes des banlieues et d'ailleurs

P. Dubéchot - C. Lecomte - P. Le Quéau

Cahier de recherche N°C153

Résumé

Les conditions sociales et économiques qui prévalent depuis une trentaine d'années tendent à allonger la période de “rétablissement” social et professionnel des jeunes, c’est particulièrement patent chez ceux qui disposent d'un moindre capital scolaire. Il est également clair que cette évolution n’est pas compensée par la mise en place de dispositifs symboliques permettant de donner un sens commun et univoque à cette période de la vie, volontiers qualifiée par ailleurs de “ transition En réalité, les travaux réalisés au Crédoc dans le cadre de l’évaluation des politiques publiques de lutte contre l’exclusion, montrent que les jeunes des quartiers dits “difficiles” peuvent connaître des parcours extrêmement différenciés du point de vue de l’insertion professionnelle.

Dans les années quatre-vingts de multiples expressions ont jalonné le processus en cours d'allongement de la période située entre la fin de ia scolarité et l’insertion professionnelle durable, voire l’établissement au sens des démographes (obtention d’un emploi, de la mise en couple, de l’autonomie de l’hébergement, etc.). Période dite « intermédiaire », de « transition », ce temps suspendu et incertain a parfois été décrit comme une période d’attente, il a pu être vécu comme un temps « vide » par des jeunes rencontrés dans nos enquêtes. Cependant, loin d’être “ vide ”, cette période de la jeunesse peut faire l’objet d’une expérience par laquelle certains jeunes développent des compétences et des tactiques d’insertion qui traduisent un sens de l’adaptation inédit, même si elles peinent à être reconnues par l’Institution.

A bien des égards, l’expérience vécue par les jeunes brouille les repères classiques de notre entendement sur ces questions d’intégration et d’insertion : le formel et l’informel, le légal et l’illégal, l’individuel et le collectif... Ces oppositions sont des catégories qui se montrent de plus en plus perméables et donc, en tant que telles, peu pertinentes pour rendre compte de ce qui est à l’œuvre dans ces parcours de jeunes. C'est par ailleurs ce qui rend si difficile la reconnaissance ”, dans tous les sens du terme, de cette expérience. Une certaine sociologie compréhensive, cependant, permet de faire apparaître les enjeux de cette construction au sein de laquelle s’élaborent, indissociablement, des compétences et une identité professionnelle et sociale, à partir non seulement de ce qui est hérité des anciennes cultures populaires mais aussi de ce qui s’invente dans les nouveaux groupes de jeunes.

Une enquête réalisée par le Crédoc en 19971 auprès de jeunes de 20 à 29 ans habitant des quartiers dits “ en difficulté ” décrivait et analysait des itinéraires d’insertion professionnelle « réussie ».

Les résultats de l’étude montraient que la réussite professionnelle se trouve à l’intersection de deux sphères d’influence principales : celle de l’insertion professionnelle stricto sensu (parcours de formation, contexte local de l’emploi et des dispositifs, etc.), et celle de la socialisation (histoire familiale, rapports aux institutions, rapports au quartier, etc.). Or cet examen des conditions qui peuvent déterminer la réussite d’une insertion nous invite à reconsidérer des lieux communs comme cette expression “ s’en sortir” qui laisse supposer que, sans une rupture radicale du milieu environnant - du quartier en l’occurrence -, il ne peut y avoir de salut.


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